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Aix-primez-vous

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17 mars 2009

corsy

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Ce sont les adhérents du Club "Les Sans Soucis" qui nous ont accueillies dans la grande salle qui leur est réservée un après-midi par semaine, au Centre Social Corsy, pour nous parler de leur quartier. Le loto est terminé, lorsque nous arrivons, Céline SERENA et moi ; et les personnes présentes prennent le goûter. L'accueil est chaleureux. Je les en remercie sincèrement. Le Club a été créé en 1977 par les adhérents eux-mêmes, pour pallier à un manque cruel d'animations dans le quartier. Il y a environ 80 adhérents, tous du 3ème âge. Ils se retrouvent régulièrement dans cette belle salle, organisent des sorties sur Aix, dans la région. Une des responsables me dit le plaisir qu'ils ont d'être pour une fois écoutés, car ils se sentent un peu délaissés par les dirigeants locaux. C'est une "réunion" tout à fait informelle. Afin que les personnes présentes se sentent à l'aise, j'avais caché mon magnétophone.

Vous le constaterez, très souvent, je ne sais plus à qui prêter tel ou tel propos. Aussi, j'ai  noté quelques dialogues tels que je les ai entendus sans donner le nom de son auteur.

Il n'y a qu'un seul homme. Les dames m'expliquent que les hommes ne participent qu'aux sorties. Tout le monde se présente :

Su. -  Ca.  -   Al.  -  Mar.  -  Eg.   -  Ma.  -  Ge.  -   May.   -  Jac.  -   Jea.  -  Har.  -   Gi.  -  Jo.  -  Su.

Su et Ma. : le terrain appartenait autrefois à une riche famille. La famille "De Corsy". Il n'y avait que des vignes ici. Des immeubles ont été construits sur une partie du terrain, mais la famille de Corsy a toujours sa maison juste à côté. C'était un docteur. Le Docteur Corsy. Ils étaient très riches.

Ge : A la fin des années 50, ils ont construits quelques immeubles. J'habitais un tout petit appartement à Aix, avec le wc à l'extérieur. Je ne pouvais plus continuer à vivre là. J'ai fait une demande de logement. On m'a demandé de verser une somme importante à l'époque. Fallait donner un million. Je ne comprenais pas pourquoi et puis à l'agence, ils m'ont dit "c'est de la location-vente" ! Bé, c'était indiqué nulle part que c'était de la location-vente. Alors, on a payé les appartements pendant 20 ans et au bout de 20 ans, ils étaient à nous. Ces appartements qui ont été vendus en premier, s'appellent "Le Million". Maintenant, il y a beaucoup de propriétaires qui ont loué leur appartement et les locataires se foutent de tout. A partir du moment qu'ils paient un loyer ils se croient permis de tout casser, salir. Ils ne respectent rien.

- Nos enfants sont partis ailleurs, mais quand ils se retrouvent entre eux, ils sont contents. Vous pensez ! Ils sont nés ici, ils se connaissent tous. Tout le monde se rendaient service. Maintenant, plus personne ne nous dit bonjour.

- Moi, l'autre jour, je revenais des courses avec mon caddie ; je suis passée devant des jeunes. Je leur ai dit "bonjour" et ils m'ont proposé de m'aider à porter mon sac. J'ai dit "d'accord". Ils m'ont accompagnée, puis l'un d'eux a fait marcher sa moto et il a klaxonné. Je lui ai dit en rigolant (parce qu'il vaut mieux le prendre à la rigolade avec eux) "ne me faites pas ça devant ma fenêtre, parce que je vous engueule, moi". Ils m'ont dit "d'accord".

- Ha oui, avant les jeunes respectaient les adultes. Maintenant, ils n'écoutent rien. Ils font ce qu'ils veulent. Je ne me sens pas trop en sécurité dans la cité. Je ne sortirais pas le soir !

- Ha bon ! Moi si j'ai quelque chose à faire, je n'hésiterais pas à sortir, même la nuit. Non, je n'ai pas peur.

Su : un jour, je monte dans un bus avec une copine. Deux garçons se lèvent sans qu'on leur demande rien et nous cèdent la place. Arrivées en ville, deux filles montent dans le bus et elles ont vu qu'on se levait pour descendre. Une a dit à l'autre "les deux vieilles se sont levées, on va prendre leur place". Ma copine leur a dit de tout. C'est quoi cette grossièreté.

Avant, il y avait surtout des fonctionnaires ici : des instituteurs, l'Aviation Civile de Marignane, des gens de la Poste... Et puis au début, il n'y avait rien. Les routes n'étaient pas tracées, il n'y avait aucun magasin, pas d'école. On faisait tout en ville et à pied. Car il n'y avait pas de bus.

Su : moi, je suis la plus ancienne. Je suis venue ici en 58. On se parlait tous. On se rendait visite. Quand une maman était embêtée, une autre maman lui gardait ses enfants. Et puis, il n'y avait que quelques immeubles. Puis, avec le temps, ils ont construit encore d'autres immeubles . à chaque fois ils rajoutaient un immeuble, puis encore un autre et c'est devenu ce que c'est maintenant.

Gi : tous les enfants venaient chez moi, je leur donnais un petit goûter : une tranche de pain avec du pâté. Un jour, mon fils m'a dit "maman, faut pas donner du pâté à ce petit garçon, c'est un arabe. Il n'en mange pas" ! Et le petit garçon a voulu du pâté. Je lui ai dit "non, je ne peux pas t'en donner. Tu n'as pas le droit d'en manger". Hé, je ne savais pas moi, toutes ces choses-là !

- Mais le soir on ne sortait pas dehors en été. Non, on restait chez nous. C'était calme. Les enfants aussi rentraient à la maison. On ne les laissait pas dehors ! Parfois, en été, ils jouaient jusqu'à 8/9 heures du soir, puis ils rentraient. Dans la journée ça vivait, puis le soir chacun rentrait chez lui. Mais on n'hésitait pas à frapper chez le voisin si on avait besoin de quelque chose !

- Un jour, les hommes du quartier on voulu construire une dalle pour le bal et un homme qui travaillait a traversé la petite rivière où l'eau était très froide. Il a eu un chaud et froid et il est mort. Je me souviens que des gars nous avaient embêtés. Mon mari qui gueulait beaucoup quand il y avait quelque chose de pas normal, c'était disputé avec eux. Ben, les gars sont venus plus tard et ils ont installé la dalle. Mon Dieu comme il criait mon mari quand il y avait un problème ou que les gens ne respectaient pas quelque chose.

- Sinon, ici, rien n'est prévu pour les gens qui veulent se distraire. Il n'y a jamais eu de théatre, de cinéma, pas de restaurant. Alors on va à Aix, mais le plus souvent à Marseille. Le dimanche, il n'y avait  pas de bus ici. Maintenant, il y a un bus à 13 heures et à 15 heures 30 le dimanche. Vous ne pouvez rien faire avec des horaires comme ça : si vous voulez aller au cinéma, c'est pas possible ! Et puis, en été, c'est pas gai de rentrer chez soi à 15 heures 30. Alors qu'il y a un car qui va à Marseille et il ne coûte qu'un euro. On prend ce car et à Marseille on va au parc Borély ou ailleurs se promener. C'est très agréable.

- C'est pour ça qu'on a créé ce club "Les Sans Soucis". On l'a créé en 1977. Vous voyez, c'est pas récent. On est nombreux et on s'entend bien. On s'est toujours bien entendu. Mais des fois, on nous demande de libérer la salle pour les enfants pendant les vacances ou bien pour des fêtes (mariages, baptêmes) et même pour une veillée mortuaire. Vous vous rendez compte. Il y avait toute la famille et les amis du mort ici pendant deux jours. On a écrit à la Mairie pour dire notre désaccord. C'était en 2005. Dans la salle, il y avait des couvertures, des matelas partout ! Et puis c'est interdit de cuisiner. Ben ils ont cuisiné.

- Et puis, vous vous souvenez, avant, les policiers venaient régulièrement nous voir. Ils nous demandaient si tout allait bien. Si on n'avait pas de problèmes. Ca c'était bien ! On se sentait en sécurité. Maintenant, ils ne passent plus.

- Oui, ils passent en voiture !

- Tu parles ! En voiture !!! Ils passent à toute allure et on les voit pas !

- Les jeunes ne savent pas tout ce qu'on a fait dans cette cité. Le stade de foot c'est grâce à nous. Et puis, vous vous souvenez quand la Mairie a installé une piscine dans le quartier, pour les enfants qui ne partaient pas en vacances. Dans la nuit, des gens de l'autre cité sont venus crever la piscine. Alors, la Mairie n'a plus rien installé. Ils auraient quand même pu mettre un gardien. C'est comme ici, dans ce centre, il y a plein de vols. On nous a volé un radiateur, puis au moins 20 chaises. Ils ne peuvent pas mettre un gardien ?

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                                             C'est le départ. Merci messieurs-dames !

Jeudi 02 avril

Retour à la Cité Corsy. Aujourd'hui, outre une discussion informelle avec deux personnes An. et Ra. du cours de couture, nous nous promenons dans les allées de la cité pour interroger quelques personnes.

14 heures An et Ra sont en train de préparer leur matériel de couture. Fièrement, et à juste titre, elles me montrent leurs créations. C'est An., la plus âgée des deux, que j'interroge en premier :

An. : je ne suis pas née à Aix. Je viens du Nord de la France. Puis j'ai habité du côté du Pont de l'Arc, puis à l'Abattoir et je suis venue à Corsy en 79 environ. Ca fait 30 ans que je vis là avec mes enfants. Mais je n'aime pas vivre ici. Je voudrais aller vivre aux Milles. Je ne sors pas, je ne fréquente personne. D'ailleurs personne ne se dit bonjour ici. Avant, tout le monde se parlait, même si on ne se cotoyait pas beaucoup, on se disait bonjour, on fréquentait un peu les gens de notre immeuble, on s'aidait. Maintenant, rien. Dans mon bloc, on se parle encore, mais ailleurs non. Mais bon, j'ai jamais été une femme à aller dans les maisons. Je n'ai jamais voulu sortir de chez moi. Avant, j'avais ma mère, j'avais mes tantes, j'avais pas besoin des autres. Puis, j'ai eu mes enfants, alors je ne fréquentais personne dehors !! Pourtant, il y avait des activités au centre, mais j'aime pas trop sortir, alors je ne venais pas trop souvent. J'ai connu 4 directeurs. Mais depuis un an je sors pour venir au cours de couture et j'aime ça.

On est entourés d'autoroutes, il y a trop de bruit.

Vous voyez le grand mur où il y a des tags ?

Vous voyez le grand mur où il y des tags ? Ben avant, derrière, il n'y avait que de la nature. Puis ils ont construit la route qui va à Célony, et un jour un gamin a failli se faire écraser en allant chercher son ballon sur la route, alors ils ont construit ce grand mur. Mais malgré ce grand mur et les double-vitrage, on entend tout : la Police, les Pompiers, les camions.... et on dort pas la nuit. Pour les jeunes il y a le terrain de foot, là-bas. Il a été construit à la place du poste de Police. Parce qu'avant, il y avait un poste de police dans le quartier et puis ils l'ont brûlé. Alors, ils ont construit un autre poste de police là où il y a le bar Tabac. Ils l'ont tout saccagé.

Ra : J'habite à Corsy depuis 2002. Je suis née dans le Nord de la France, puis je suis partie quelques années à l'Etranger. Je suis revenue en France au début des années 90, dans le Nord de la France. J'ai vécu dans plusieurs villes de France avec mon ex-conjoint. J'ai eu un enfant qui est né là-bas, dans le Nord où je suis restée 8 ans. Puis en fin 2000, je suis descendue dans le Sud. Nous avons été hébergés quelques temps et en 2002, j'ai obtenu cet appartement. Je suis contente. Mon deuxième fils est né ici. Le premier regrette la ville où il est né et a vécu son enfance. Je ne connais pas beaucoup de monde. Je ne connais pas trop la vie de ce quartier et je ne sais pas comment il est né.

Je passe mon temps à m'occuper de la maison et de mes enfants. La maison, l'école, le collège et c'est comme ça tous les jours du lundi au vendredi. En ce moment, il y a une dame qui vient à la sortie de l'école avec des cartons plein de livres et elle lit les livres aux enfants qui le veulent. Ca plaît beaucoup.

Ma : J'étais à l'étranger aussi. C'est une cité qui demande à être connue. Je suis ici depuis 5 ans. C'est un sentiment personnel, mais par rapport à mon regard, je trouve qu'il y a déjà des changements. Quand je suis arrivée ici, j'ai trouvé que ce n'était pas beau, pas accueillant, très dur même de vivre ici. Mon regard a changé. Malgré les difficultés plus grandes qu'auparavant, les gens sont chaleureux, même s'ils donnent l'impression d'être sur la défensive. L'image que l'on a du quartier a toujours été très négative. Les habitants eux-mêmes ont une image négative du quartier, de la vie qu'ils mènent. Ils se sentent exclus, rejetés....

Radio-trottoir :

Un vieux monsieur avenant est assis sur un banc. Il parle volontiers.

Sa : je suis arrivé en France, j'étais jeune. Je suis né à Biskra. Je suis venu habiter Aix en 1960. J'habite Corsy depuis 35 ans environ. Il y avait déjà les bâtiments de la Mairie, de l'Opac... Il y avait le boucher Jeannot qui était Arménien et qui est remplacé par une boucherie Hallal. Il habite toujours ici d'ailleurs ! Puis il y avait l'épicerie.

Avant de venir ici, j'habitais à l'Abattoir. C'était des bidonvilles. On dit "quartier des Abattoirs" parce que c'était à côté les Abattoirs d'Aix ! Il y avait toutes les nationalités. On vivait ensemble. La Mairie nous a logés à Corsy et ailleurs. Parce qu'on était beaucoup : des Espagnols, des Arabes, des Français. Moi, ça me plaît ici, c'est tranquille. De temps en temps, les jeunes font la bamboula, mais ils rigolent. On est très bien. Mes enfants ils sont allés habiter un à Arles, l'autre à Marseille, un à la Zac. Non ! moi je suis bien ici. Vous entendez le bruit, hé bien de chez moi, je l'entends même pas. Mais par ici, ils entendent tout. Pourtant, ils ont construit ce mur, mais ça retient pas le bruit. Trop de camions qui passent. Mais moi ça va !!

Mo : j'habite ici depuis 1969. Je suis arrivée en France pendant la guerre 39/45. J'étais à Marseille quand les Américains ont bombardé la ville en 1944. J'étais dans un tunnel avec les Marseillais. On avait peur. Après la guerre, en 1945, on m'a envoyé travailler dans les mines en Allemagne. J'ai travaillé longtemps là-bas et un jour j'en ai eu assez. Je suis allée voir le docteur, il m'a fait un certificat et je suis rentré en France. J'ai travaillé dans les mines à Gardanne et j'habitais à Aix. Mais l'appartement était tout pourri. Puis j'ai travaillé à la Société des Eaux et en 1969, je me suis installé à Corsy. C'est bien ici. On est tranquilles. Mon fils habite ici, aussi. Il n'y a jamais eu de problème. Je travaille plus depuis longtemps. Je suis à la retraite, ça fait longtemps.

Fa : Je n'habite pas le quartier, mais je le fréquente beaucoup. J'ai même été à l'école ici. C'était une petite école en bois, comme autrefois, près de la voie ferrée. Puis ils ont construit l'école Mistral. C'était il y a plus de 40 ans. Les terres où ont été construits les immeubles appartenaient à une famille : La famille Corsy. Ils étaient, en fait, deux frères. Un est mort, il reste le deuxième qui habite juste à côté. Celui qui est mort était un original. Là, où il y a cette route, c'était un champ de vigne. Certains pensent que cette route a toujours été là, mais non, elle a été construite voilà des années. Un peu plus loin il y a le château où a vécu longtemps Cézanne. C'est le père de Cézanne qui a acheté ce château avec les terres tout autour. Puis quand il est mort, la famille a vendu le château à une famille, la famille Grenel. La fille a épousé un professeur de médecine, Monsieur Corsy. Ils ont eu un fils, le Docteur Corsy. En 1994, il a vendu le château à la ville d'Aix. Maintenant, il est décédé, il y a 2 ou 3 ans. Il reste son frère. Il habite toujours au Château qui est classé monument historique. Il faut aller le voir. Beaucoup de touristes de toutes les villes viennent voir ce château.

Cézanne a vécu très, très longtemps ici. Il est aussi venu Picasso, voilà des années.

Et par là, il y avait une ferme avec des vaches, des chèvres, des poules, tout. On allait acheter le lait avec des pots en fer. C'est fini tout ça ! Sur cette place, il y avait un kiosque qui vendait des journaux, du tabac.... A côté, il y avait la maternelle. Elle a été démolie et reconstruite plus loin, là-bas.

Devant l'école maternelle :

Plusieurs femmes arrivent. Un groupe de 3 femmes : la grand-mère, la mère et la fille.

La grand-mère :

Je ne me souviens pas de l'année où je suis arrivée ici. C'était vers 1976 ou 1977. Avant j'habitais dans un petit village à côté, puis je suis allée à Gardanne, Bivert. J'avais des appartements petits, humides. Et puis, je suis venue ici. Ma fille elle est née ici.

La mère : je suis née ici. Mais je ne me sens plus bien du tout ici. Avant, il y avait un grand respect des personnes âgées, des gens en général. Maintenant, plus personne ne respecte plus rien.  Les jeunes sont irrespectueux avec leurs parents. Puis on est laissés à l'abandon. On n'a rien ici. Il y a juste le Centre Social, mais ils ne font même pas attention à nos demandes. Ils font ce qui les intéresse. Alors on n'y va plus. Et puis, voilà quelques temps, un homme est mort. On a demandé une salle du centre social pour rendre un dernier hommage à cet homme, recevoir la famille, les amis. Ils n'ont pas voulu nous prêter la salle. Les gens sont venus dans l'appartement, mais on était si nombreux que beaucoup restaient dans le couloir. Rien n'est prévu pour ce genre de situation.

Le quartier a beaucoup changé. Ce n'est plus comme avant.

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Rencontre avec les habitants de Corsy

Le 27 mai 2009, les habitants de Corsy ont répondu "présent" à notre invitation. Beau temps, venteux mais ensoleillé. La place Michel est bien agréable. Toutes les générations confondues étaient là. Quelques personnes de l'association "Les Sans Soucis" et un animateur du Centre Social ont apporté d'autres détails à cette reconstitution de la Cité Corsy ! Un animateur précise que la place porte ce nom en hommage à un ancien animateur du quartier qui a tant oeuvré pour les jeunes :

- si je suis là, c'est grâce à lui ! Il s'occupait de plus de 50 jeunes avec une sacrée poigne. On lui est tous reconnaissants.

Les gamins sont surprenants, intéressés : ils connaissent un peu la vie de leur cité, la vie de Cézanne. Ils parlent, participent, les yeux grands ouverts.

Puis, tout le monde s'est retrouvé autour d'une grande table où des boissons étaient offertes. Il y a eu beaucoup d'échanges chaleureux, intéressés, pendant un long moment.

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13 mars 2009

Beisson, Saint-Eutrope, Tivoli

Céline SERENA de la bibliothèque Méjanes à Aix-en-Provence avait le projet de faire parler les habitants de deux cités, réputées "sensibles". Pour cela, elle a fait appel à moi pour "récolter" des souvenirs des habitants de Beisson et Corsy.

Les souvenirs ne sont pas seulement un retour sur le passé. Les souvenirs sont notre identité, nos racines, notre histoire, l'histoire de nos parents.

Les souvenirs peuvent aussi participer à la cohésion sociale en resserrant les liens (même si nous n'avons pas le même ressenti, nous avons vécu les mêmes évènements...). 

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Lieu de rencontre (Centre Social Tivoli)

Nous nous retrouvons un après-midi, le vendredi 13 mars, autour d'une table au centre social Tivoli qui est le centre social des quartiers Nord de la ville.

Ca sent bon le café. Les personnes présentes, que des femmes, sont un peu inquiètes, intimidées aussi. Comment cela va-t-il se passer ? Que devront-elles dire ? Céline SERENA présente un peu le bibliobus et les rassure sur les propos que nous allons échanger. C'est une conversation tout à fait informelle à laquelle elles ont été invitées.

La conversation s'engage le plus naturellement du monde sur les équipements du quartier. Certaines regrettent la disparition de certains magasins. Sans même s'en rendre compte et sans même que j'ai à questionner les personnes présentes évoquent déjà le passé.

Il y a Do. -  Cl. -  L. - Cr. - Ca. - Ma. - Sa. - Vi -  Ay

Toutes se remémorent une sortie Hamman-Esthéticienne, organisée par le Centre Social. Elles regrettent que ça ne se fasse plus souvent. J'embraye sur cette apartée pour les faire d'abord parler d'elles-mêmes.

Dans le groupe une seule personne est née dans le quartier, Cr.

Cr : j'ai quitté la cité à 18 ans, pendant 2 ou 3 ans. Je me suis installée à la campagne. Au début l'air pur de la campagne, le chant des oiseaux, le calme m'ont fait du bien. Mais j'ai très vite craqué. C'était trop bon chic bon genre. On ne peut imaginer un noir, un arabe ou un "Portuguèche" dans ce village. C'est tout juste s'ils m'ont acceptée à moi. J'étais l'étrangère. Je n'osais plus parler ou seulement ouvrir la bouche ; plus rien !! Et puis, mon quartier me manquait. Et puis, ici à Beissons, ça vit beaucoup le soir en été, mais le reste de l'année, ça vit beaucoup pendant la journée et le soir quand tu rentres chez toi, c'est le calme ! Là-bas, c'était mort tout le temps !

Ca : les tuyaux d'échappement t'ont manqués ??

Cr : non, pas les tuyaux d'échappement, mais le contact, voir du monde ! Ici on se connaissait tous, ça vivait ! J'ai vu naître les enfants qui vont à l'école aujourd'hui. J'ai continué à mettre mon fils à l'école des Beissons. Je ne voulais pas qu'il aille à l'école du village où je vivais. Je faisais le trajet deux fois par jour et le midi, il mangeait chez ma mère. Maintenant, je ne partirai plus.

"Même Slimane l'épicier a fermé !"

Cl : moi, c'est le contraire ! Je suis habituée à la campagne et quand je suis arrivée ici, tout ce bruit m'a gênée. Toi tu supportes le bruit dans la cité, la nuit. Moi je ne supporte pas du tout le bruit des voitures et tous les autres bruits. Je suis née à Marseille et je suis venue ici très jeune, en 1964. J'ai suivi ma famille qui était installée ici. J'aime ce quartier, mais je le quitterais volontiers. J'ai envie de partir. Je préfère la mentalité marseillaise que celle d'ici. Les gens à Marseille sont plus communicatifs, plus chaleureux.

Do : c'est plus bourgeois à Aix. Enfin, quand on dit bourgeois, c'est beaucoup dire. Beaucoup de gens de la ville "jouent" les bourgeois. Je les vois faire.  Mais quand je regarde leurs pieds et que je vois les chaussures qu'ils portent, je comprends bien que ce ne sont pas des bourgeois.

Cl : Ils vont une fois dans leur vie dans les grandes boutiques, puis ils se promènent en exhibant leur sac avec une grande marque écrit sur l'emballage.

Ca : quand on va en vacances, on dit qu'on est Marseillais. Mes enfants ne veulent pas dire qu'ils sont Aixois. D'ailleurs les gens eux-mêmes, lorsqu'on dit qu'on est d'Aix, nous reprennent "Ha ! Vous êtes de Marseille !!" Oui, on sent une grande différence entre Marseillais et Aixois.

Ca : Je suis arrivée à Aix en 1994. Mon père s'était installé dans la ville. Je suis venue ici un peu par hasard. Ensuite, j'ai rencontré un garçon qui est arrivé ici par hasard et on est restés là par hasard !!!! Mais comme je venais souvent sur Aix, je n'étais pas dépaysée. Quand j'ai fait une demande de logement, on m'a dit "ne demande surtout pas Beisson" ! Sur le formulaire j'ai dit que je voulais habiter n'importe où sauf Beisson. Et c'est à Beisson qu'on m'a donné un appartement. J'étais quand même contente, car j'étais enceinte. Et puis, j'étais habituée à la vie bruyante d'ici, puisque ma grand-mère habitait dans la cité et je venais souvent chez elle. En été il fait tellement chaud que les gens restaient chez eux le jour et sortaient la nuit avec les chaises devant la porte, à rire et parler...... Quand on arrivait, ils disaient "Tiens ! Voilà les françaises qui arrivent" "Hooo ! La petite française est là ! Comment tu vas et patati et patata" ! Et l'information faisait le tour ! Ca ne m'a jamais gêné.

Cr : En même temps, ça rapproche beaucoup les gens. Tout le monde se parle. On vit encore beaucoup dehors. L'été, ici, ça vit beaucoup. Il y a le barbecue, on met les tables, on mange. Il y en a même qui mettent des petites piscines pour les enfants. Avant on allait au plan d'eau de Peyrolles, mais ils ont tout changé. Ils ont mis un parking qui a brûlé toute la pelouse et puis c'est trop dangereux. Il y a eu plusieurs accidents. Ici, tout le monde se parle. C'est normal. Les grands-mères on vu naître tout le monde. On voit grandir les enfants. On les connaît bien.

M. : l'autre jour, j'ai rencontré X.... Il m'a vouvoyé. Je lui ai dit "Ho ! Tu me dis vous ? Je suis jeune pour que tu me vouvoies" ! Ben il m'a répondu "Vous êtes vieille, puisque vous avez des enfants !"

Cl : Nous on trouve que le quartier est calme. Il n'y a pas de problème. Pourtant les gens de la ville voient Beisson comme un quartier qui craint.

Cr : Au niveau délinquance, il ne se passe plus rien ! On n'a pas de problème !

Ca : mais quand même, il y a 3 cités ici : Saint Eutrope, Tivoli et Beissons et les gens ne se mêlent pas trop entre cités. Quand il y a un anniversaire d'enfants à Tivoli, la maman n'invitent pas les enfants de Beissons : " ha, non ! Il vient de Beisson, celui-là !"

"ha non ! Lui ne peut pas venir à l'anniversaire de mon fils, puisqu'il vient de Beisson"

Cl : Dans les magasins, ils regardent méchamment les jeunes qui viennent faire nos courses. Un jour, j'ai envoyé mon fils dans le magasin X.....faire des courses. C'était l'ancien propriétaire. J'ai donné un billet de 50 euros à mon fils. Quand il est revenu, il me dit "maman, le monsieur m'a donné 20 euros en moins". J'y retourne et le marchand me dit que "non ! c'est pas vrai ! Mon fils ne lui a pas donné 50 euros. Que mon fils c'est un menteur". J'ai dit "Pardon ??". Mais en discutant avec lui, je me suis aperçue qu'il abusait de la bouteille. Alors, je l'ai menacé d'appeler la police. Et sa femme lui a demandé de me rendre 20 euros. Les gens ont peur des enfants et des ados ! Dès qu'ils voient des jeunes, ils pensent qu'ils vont créer des problèmes. Comment faire ? Où on les met ces ados ? On les enferme ? Il n'y a rien pour eux ! Il n'y a pas de cinéma, pas de salle de jeux, rien de rien ! Et ça a toujours été comme ça !

Ca : un jour, je suis entrée dans ce magasin avec mon fils. La vendeuse elle le suivait. J'ai dit "mais il est avec moi ! Pourquoi vous le suivez ? Vous le tentez, là !" Dès qu'ils voyaient un garçon avec une casquette sur la tête, ils s'en méfiaient !

Ca : A une époque, il y a eu des problèmes de drogue. Mais maintenant, les problèmes de drogue sont plutôt dans les quartiers riches. Il est hors de question que je mette mes enfants dans des collèges privés.

Cl, Cr, Ca, Ma :

- avant on respectait nos parents. Et ce n'est pas une question de culture, mais d'éducation : on ne fumait pas devant eux ; on ne parlait pas quand il y avait du monde. Maintenant, les enfants ils se mettent au milieu des grands  et ils tatchent en même temps.

- Quand mes parents recevaient du monde à la maison et que je parlais, ben ils me disaient de me taire !

Cl : A une époque c'était très dur. Quand on sortait, on se disait "mais qu'est-ce qu'il va m'arriver ? Est-ce que je vais être cambriolée ? Est-ce qu'on va me casser la porte ?" Mais ça a bien changé. La jeunesse d'avant, elle se foutait complètement de donner le mauvais exemple aux petits.  Elle ne respectait personne. Ces jeunes ont grandi, ils sont devenus parents et ils ne veulent pas que leurs enfants agissent pareil, alors ils sont très sévères avec eux. Maintenant, les enfants sont vraiment polis. Il y a vraiment une prise de conscience. Et la réputation de Beisson est toujours mauvaise. Mais ça met des années pour changer ces choses-là !! D'ailleurs, il y a des gens qui reviennent aux Beissons. Peut-être qu'il ne supportent plus la vie au centre ville où les gens ne se disent pas bonjour, ne savent pas que la petite vieille qui habite à côté ou au-dessus de chez eux à besoin de quelque chose. En ville, ils n'en ont rien à cirer de ça. Tandis qu'ici, tout le monde se connaît. Il y a toujours eu beaucoup d'entraide. Si tu as besoin de café, tu peux aller chez la voisine.....

Ca : Ben ça, c'est bien pratique, d'autant plus que Slimane a fermé. La Mairie ferme les commerces les uns après les autres. Avant il y avait plein de petits commerces : la droguerie, le tabac, la boulangerie....à mesure, tous les magasins ferment. Il ne reste que la pharmacie. Pour faire les courses, ont est obligés d'aller en bas. Descendre, ça va c'est facile, mais quand il faut remonter la côte, avec les courses dans les mains, ben c'est pas agréable. Surtout pour les mamies, les pauvres ! Alors, elles ne sortent plus beaucoup. Et puis, il n'y a pas de distributeurs. Il y a une poste, mais pas de guichet de retrait. Alors, le soir, quand tu dois descendre pour aller acheter ton pain et que tu dois remonter...

Do : ben, tu n'as qu'à te lever le matin et acheter ton pain pour la journée !!!

Ca, Ma, Cr : avant on avait un bon boulanger. Maintenant, c'est du pain déjà prêt et congelé qui se vend ici. Alors on descend pour avoir du bon pain.

Do : avant il y avait un petit marché. Mais un jour, la femme du maraîcher est partie, alors il n'est plus jamais revenu.

Cl : je pense qu'il y a un projet de destructions et de reconstructions ici. Les promoteurs sont dessus. Ils détruisent au fur et à mesure, immeuble par immeuble

Ca : On raconte que au début des années 50, un certain Monsieur Beisson qui était le propriétaire de ce terrain, a légué sa fortune à la ville et demandé à ce qu'on construise des logements sociaux et que ça reste des logements sociaux jusqu'en 2000 et je ne sais plus combien. Et là, on arrive à échéance et maintenant, ils veulent faire de ce quartier, un quartier grand standing à 3.000 euros ! Malgré qu'ils nous rassurent...... Parce qu'on est bien situé ici. D'un côté, on voit tout Aix et de l'autre la Sainte-Victoire. Et puis, l'air est pur.

"Ils nous enlèvent tous les magasins au fur et à mesure"

Ma : Mais ils nous enlèvent tout au fur et à mesure. Avant, il y avait un joli parc avec un toboggan. Quand le tobbogan s'est cassé, ils l'ont laissé longtemps tout cassé. C'était dangereux. Puis, ils l'ont enlevé et maintenant à la place, il y a un carré de cailloux, à crottes ! Là, où il y a la pharmacie, ils vont faire une grande entrée. Ils vont faire sauter le bâtiment.

Ca : ils veulent mettre les gens ailleurs. Moi, je partirais pas d'ici.

Ma : mais ils sont obligés de s'en aller. Puisque le bâtiment va être détruit. Alors, ils laissent pourrir les immeubles pour les détruire plus tard. Dommage, parce qu'on a tout sur place pour les enfants : t'as la maternelle, les crèches, la primaire, le collège. Il y avait un centre social, mais il était situé sur la route de la crèche, plus bas. Hé bien avant, c'était un très grand centre. Il a été démoli et ils ont fait un parking. Il y a bien 5/6 ans qu'ils l'ont démoli. Un petit groupe a tout fait pour qu'il ferme. Il avait de la concurrence. Il y avait un centre social en-bas et "ils" ont cassé les vitres, ils faisaient tout pour que ça ferme.

Le centre social

Sa : il y a toute une histoire avec l'ancien centre social qui a brûlé et qui a eu d'autres problèmes.

Ma : c'est Puyricard, une commune d'Aix, qui s'en occupait.

Ma - Ca - Cl (en même temps) : il y a eu de gros conflits. C'était Mme M. qui gérait le centre et une autre personne qui s'appelait N. est arrivée et ça a créé des problèmes. Puis Mme M. est partie et a été remplacée par Ch. Il y a vraiment eu beaucoup de problèmes pendant longtemps;

Ca : un jour j'ai mis mon fils au centre aéré pour qu'il se sociabilise. A cette époque, il ne mangeait pas du tout ! Hé bien, Ch. l'obligeait à manger, à le rendre malade.

Cl : un jour, j'ai entendu des gamins parler comme des charretiers. J'ai dit à Ch qu'elle devrait les corriger. Elle m'a répondu "j'ai pas que ça à faire toute la journée !!"

Sa : puis on est entrés dans ces locaux en 2004.  On voulait s'élargir un peu, être autonomes, mais on ne l'a pas été tout de suite, puisque Puyricard a continué à gérer le centre jusqu'en 2007 et puis on est enfin devenus autonomes.  Alors, c'était assez particulier, car la structure existait mais il fallait recruter un conseil d'administration. C'est Ch. qui s'en est occupé. Elle a demandé à plusieurs personnes du quartier d'entrer dans le C.A. Mais c'était très lourd, car il y avait des réunions tous les samedis. Tu t'en souviens Cr ?

Do : heureusement qu'il y a le centre social pour les animations. On fait plein de trucs ; il y a des sorties organisées. Une année on a fait la fête de la musique. C'était très sympa. Toutes les années on fait la fête des voisins ; ça se passe bien aussi et puis on organise une petite kermesse. On achète des petits lots et on fait participer les enfants : c'est 10 ou 20 centimes le jeu. Juste de quoi marquer le coup. Mais un jour, des mamans ont gueulé. Elles voulaient qu'on fasse participer gratuitement les enfants. Quelquefois on se retrouve entre femmes. On rigole bien ! On aurait aimé faire un loto, mais les magasins ne donnent plus rien et on ne peut pas faire payer 5 euros les cartons. C'est pas possible ! Avant les magasins donnaient des lots, des petits jouets pour les enfants. Maintenant, il n'y a que Mac Do qui donne encore !

Ca : c'est dommage, car c'est maintenant qu'il y a la crise et qu'on aurait le plus besoin d'aide !

Parfois pour se distraire, on va en ville en bus, on va au musée.

Va : mais vous savez que les musées sont gratuits le 1er dimanche de chaque mois ?

Ca - Do - Cl - Ma - Cr : Ha non ! C'est intéressant ça !!

Mais pour les jeunes, c'est moins évident. Ils n'ont rien, pas une salle, pas un endroit où se poser. Et quand ils se retrouvent ensemble devant les immeubles, ça crie !

Cl : c'est incroyable, à l'époque, je savais pas que le centre social avait ouvert ! Je savais qu'il y avait le centre aéré, c'est tout ! Il faut rappeler que les gens de Beissons ne se mélangeaient pas avec les gens de Saint Eutrope et j'habite Saint Eutrope, donc l'info passait un peu mal ! Auparavant il y avait le centre social de Saint Eutrope, puis il y a eu le centre social de Beissons ! Et il faut le dire, Saint Eutrope avant, c'était bourgeois et ils ne se mélangeaient pas ! Il n'y avait que les jeunes qui se mélangeaient. Il y a encore des gens qui ne se mélangent pas, mais ça va mieux, car il y a toutes les catégories sociales. Et puis, il faut le dire honnêtement, avant, il y avait surtout des Pieds-Noirs à Saint-Eutrope, et ils refusaient de se mélanger aux autres ! C'est malheureux de dire ça, mais c'est une réalité.

Do : et puis, ils se donnaient les appartements de père en fils ! Ils ne lâchaient pas les appartements comme ça !

Ca : A Beissons, il y avait une salle de la Mairie. Mais le gars la prêtait à qui il voulait. Un jour je suis allée le voir, il m'a dit "Non ! Non ! Je vous la prête pas"

Cl : Ou alors, il nous disait "avant telle heure, faut la libérer". Il faisait ce qu'il voulait.

Ca : un jour tout de même ils nous a prêté la salle. On avait décidé de se retrouver entre femmes et les enfants restaient avec les maris. Bon, des femmes sont venues avec leurs enfants. Dans la salle il faisait 50°. On est retourné dans nos appartements chercher des ventilateurs et on a passé un belle soirée ensemble. Et quelquefois ce sont les hommes qui se retrouvent entre eux. Ils vont à la Sainte Victoire, jusqu'au refuge. Ils vont jusqu'au "terrain" ....

L'Ecole :

Ca - Cl - Cr : on n'a pas souvenir qu'il y ait eu des problèmes ou des faits extraordinaires. C'est calme. Parfois on a eu des institutrices un peu particulières. Mme Y.... qui avait un air gentil, mais qui ne parlait à personne. Un jour elle est partie sans qu'on le sache. Le lendemain on ne l'a plus revue !! Et puis vous vous souvenez de la directrice qui était si antipathique. Un jour, elle n'a pas voulu que mon fils aille aux toilettes. Il s'est fait dessus et tous les enfants riaient de lui. Il est resté comme ça toute la journée. J'étais vraiment fâchée !

Do : vous vous souvenez de cette maman qui était toujours désagréable ?

Ca - Cr - Ma : Ha ! Tu veux parler de X..... ! Oui, quand elle entrait à l'école, elle poussait les enfants dans les couloirs en leur disant "dégage !" méchamment !

Cr : mais ce qui est débile c'est que l'année dernière les enfants de 3 ans n'ont pas été pris. On les prend de plus en plus tard pour réduire les effectifs.

Va : une maîtresse est partie à la retraite et n'a pas été remplacée !!

Cr : parce que mon fils, a deux mois près, il avait 4 ans quand il a pu rentrer à la maternelle. Alors qu'avant, ils rentraient à 2 ans et demi.

La vie en communauté

Il y a de tout ici : des Cambodgiens, des Africains, des Espagnols, des Italiens, des "Portuguèches", des Maghrébiens ! J'ai même vu des noirs qui parlaient anglais. Je crois que c'était des Américains !

Ma : mes voisins étaient toujours saoûls. Ils se massacraient. Quand on appelait les flics, ils répondaient avec un drôle d'accent traînant : "Alors ! Est-ce qu'ils sont alcoolisés ? Est-ce qu'il y a violence conjugale ? Bon ! Ne vous inquiétez pas on va passer !" Depuis le début de leur mariage ils étaient saoûls à longueur de journée. Un jour, le mari est venu frapper à notre porte et il criait à mon mari "so-ort de ta-ta-ta maison !" Mon mari a ouvert la porte. Le voisin avait un pistolet à la main. J'ai cru que j'allais mourir. En fait, le pistolet était un jouet. Bon on peut en rire maintenant, mais à ce moment-là, j'ai eu vraiment très peur. Mais les policiers ne prennent pas ça au sérieux. J'ai dû insister, leur dire combien j'avais eu peur pour qu'ils réagissent ! Un jour, les pompiers sont venus. Un pompier a demandé à la femme "alors, Madame, que vous arrive-t-il ?" Et elle d'une voix pâteuse, elle lui a dit "je t'em-t'em-mè-merde !!!!" ! Un jour le gars a poussé sa grand-mère de 94 ans qui vivait avec lui ! Après elle est allée en maison de retraite !

Ca - Cl - Cr - Va - Ay - Do : avant il y avait une police de proximité. C'était bien. C'était rassurant et ils étaient gentils. Maintenant, tu les vois dans leur voiture tourner autour des immeubles, regarder partout d'un air suspect.

Ca : quelques temps après que je me sois installée ici, un jour j'ai vu des policiers partout ; ça courait partout. J'ai dit "je bouge plus". Ca cavalait partout !!

Do : l'autre soir, il y avait au moins 3 ou 4 voitures de policiers. Mais c'est surtout le matin qu'ils passent ici et tournent dans la cité. Qu'est-ce qu'ils veulent prendre ? Les jeunes à cette heure-çi dorment !!

Faut qu'ils remettent la police de proximité. C'est plus sympa et on est moins tendus.

Cr : il faut savoir que Beisson c'est une cité. Tivoli, Saint Eutrope et Corsy sont des résidences. Bon, les gens de ces ensembles ne se fréquentent pas trop, excepté nous, qui sommes toujours ensemble ; mais il n'y a pas de problème ! Il y avait des problèmes, des conflits entre les cités voilà 30 ans environ. Mais c'est fini.

Il y a Do. -  Cl. -  L. - Cr. - Ca. - Ma. - Sa. - Vi -  Ay :

On a parlé de beaucoup de choses, mais est-ce qu'on a répondu à tes questions, Fanny ?

Fanny : Tout à fait et je vous remercie infiniment de votre accueil !

C'était chaud voilà 30 ans entre cités. Maintenant c'est calme !

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